jeudi 21 juillet 2011

JOSSOT

Ici on peut feuilleter plusieurs numéros de L'Assiette Au Beurre entièrement illustrés par Jossot. Hormis pour les premières livraisons le principe de cet hebdomadaire se réduisait à un numéro, un illustrateur. Je ne résiste pas à extraire quelques images de ces exemplaires consultables en ligne à l'heure où l'on apprend que les gendarmes vont avoir une nouvelle tenue. L'uniforme est de saison et quand il y a du sang en plus c'est encore plus classe. Ainsi la semaine dernière on célébra l'armée-identité-de-la-nation au terme d'un 14 juillet endeuillé par la mort au combat de sept soldats en mission au pays des horribles talibans. Alors que la jeune garde droitarde de la révolution conservatrice nous parle de l'anti-France, en Libye, en Afghanistan ou en côte d'Ivoire nous continuons à nous abandonner à nos vieilles névroses civilisatrices sauf que les bombardiers ont remplacé les baïonnettes. Dans l'horrible actualité on nous signale aussi que des nouveaux jurés vont bientôt siéger dans les tribunaux. Plutôt que de subir leurs éternels débats j'ai choisi de feuilleter le numéro de  L'Assiette Au Beurre que Jossot leurs consacre pour me faire enfin une opinion valable.
Je signale aussi ce site consacré à Jossot, il a été conçu par Henri Vittard qui est l'un des spécialistes de ce maître de la caricature anarchisante —Jossot (1866-1951) étant d'abord et avant tout un fieffé individualiste. Après des débuts très prometteurs il sabordera sa carrière en fuyant cette France qu'il ne supportait plus pour s'installer en Tunisie (novembre 1911). Converti à l'islam, fier d'épouser la religion des vaincus, il se désoccidentalisera avec acharnement et connaîtra plusieurs extases mystiques. Il deviendra l'élève du cheikh Ahmad alAlawî, maître soufi qui enseignait sa doctrine dans la ville de Mostaganem en Algérie. Durant ces années en orient il ne fera pratiquement plus de caricatures et se consacrera à la peinture. Il n'aurait pas dû, très souvent ses caricatures étaient celles d'un peintre et non d'un dessinateur de presse. En Tunisie il sera évidemment aux côté des indigènes pour combattre les saloperies de la "France civilisatrice" et commettra des articles retentissants qu'il donnera à des journaux indigènes. Ayant abjuré toutes les valeurs occidentales il n'oubliera pas non plus de tancer les collabos tunisiens charmés par ceux qu'il a fui. Finalement il renouera avec le scepticisme et reviendra en France après la seconde guerre mondiale, quasi oublié.
Si plusieurs affiches publicitaires ont aussi fait la célébrité de Jossot ses dessins pour  L'Assiette Au Beurre demeurent le sommet de son art. Je recommande particulièrement Les Poivrots, Les Tapinophages (hélas ici les reproductions ne sont pas en couleurs), Les Refroidis, La Graine, Dressage. Avec ces numéros il a prouvé qu'il était un génie et un merveilleux dissident de l'intérieur quand bien même il demeura un indécrottable et pitoyable sceptique.